Chapitre IV
Mikhail fit taire sa fatigue et son indignation croissantes, et partit explorer l’étage supérieur où logeaient les enfants et deux vieilles nourrices, Becca et Wena. Le délabrement de la maison, les vitres brisées, et les tas de linge sale éparpillés partout le remirent en fureur. Les filles partageaient une chambre, et les garçons une autre, ce qui en laissait trois d’inoccupées. Les deux vieilles servantes couchaient dans la nurserie, petite pièce attenante à la chambre des filles, et plus propre que les autres, comme si elles prenaient mieux soin d’elles que de leurs pupilles.
Mikhail fut agréablement surpris de découvrir une salle de bains fonctionnelle. Cela compensait presque l’état lamentable de la chambre qu’il finit par choisir au premier. Les rideaux du lit étaient pourris, et le matelas n’avait pas été refait depuis des années. La toile en était trouée, et il espérait ardemment que des souris n’y avait pas élu résidence.
Escorté en silence par les deux filles, il se mit à chercher des draps. Aucun des enfants n’avait dit un mot après la remarque murmurée de Valenta, et les garçons avaient disparu dans leur chambre. Il était trop fatigué et trop furieux pour essayer de rien tirer d’eux. Il aurait tout le temps plus tard. Pour le moment, il cherchait des draps et des couvertures propres. Il ouvrit des portes au hasard, et trouva finalement un coffre plein de linge. Les draps étaient usés jusqu’à la transparence, et les couvertures avaient besoin d’un bon coup de savon, mais le tout sentait davantage le renfermé que la crasse. Il remarqua à peine qu’il se chargeait de corvées qu’il laissait généralement aux domestiques, mais il avait vaguement conscience de ne pas avoir l’esprit très clair. Il avait tout juste assez de présence d’esprit pour ces simples tâches ménagères ; et il se demanda s’il couvait une maladie quelconque.
Daryll et Mathias rentrèrent tous les bagages, sans se plaindre de jouer les femmes de chambre. Becca et Wena, qui n’avaient guère changé depuis sa première visite, étaient passives. Elles étaient un peu plus maigres, ce qui n’était pas étonnant vu ce que lui avait dit le cuisinier, et presque simples d’esprit. Quand il leur demanda où il pouvait trouver des serviettes, elles se mirent à caqueter comme des poules, et battirent en retraite dans la nurserie, marmonnant qu’elles n’étaient pas responsables du chaos ambiant. Mikhail s’efforça de combattre la révulsion croissante qu’il éprouvait à mesure qu’il inspectait la maison. Mais quand il arriva dans la chambre où les trois garçons partageaient un lit grinçant, il n’en eut plus la force. Alain, assis dans un fauteuil, regardait dans le vide. Il était encore en pyjama, avec, par-dessus, une vieille robe de chambre pleine de taches de graisse, imprégnée d’une forte odeur de sueur, élimée comme tout le reste, et mal raccommodée par places. Il ne semblait pas savoir qui était Mikhail, ni s’en soucier.
— Alain est-il malade ? demanda-t-il à Vincent, qui semblait le mieux en forme des trois.
C’était un garçon de belle prestance, avec les traits accusés des Elhalyn, et un air d’assurance qui le distinguait de ses frères.
Vincent haussa les épaules.
— Malade ? Peut-être. Emelda dit qu’il est simple d’esprit.
Il semblait apathique, et très différent du garçon que Mikhail se rappelait.
— Il reste assis toute la journée sans bouger, et Becca doit l’accompagner aux toilettes.
Cette précision troubla Mikhail.
— Il n’était pas faible d’esprit il y a quatre ans !
Il ne put plus contenir la rage qui couvait en lui à la vue de l’abandon régnant partout dans la maison.
— Il avait passé la maladie du seuil et il allait très bien.
— Tu crois ? Je n’arrive pas à me rappeler. Mais ça n’a pas d’importance. C’est moi, celui qu’il te faut.
Vincent arbora un grand sourire, mais avec une lueur dans les yeux qui éveilla instantanément la méfiance de Mikhail. Elle disparut avant qu’il ait pu l’analyser, mais il ressentit un creux à l’estomac qui n’avait rien à voir avec la faim. Il commença à croire que le lieu était maudit, soupçonnant que la malédiction avait une forme humaine et portait le nom d’Emelda.
Qui était-elle, et qu’avait-elle fait aux enfants ? Ce n’étaient plus les garnements joyeux et bruyants qu’il se rappelait, mais des souris silencieuses, à l’exception de Vincent qui plastronnait tant qu’il pouvait. Il eut envie de les mettre sur des chevaux dès le lendemain matin et de les éloigner de cette maison maudite. Mais Alain ne semblait pas en état de supporter le long voyage jusqu’à Thendara, et Emun n’allait guère mieux. Le plus jeune des garçons avait l’air hanté, sursautait au moindre bruit, et ne cessait de jeter des coups d’œil anxieux par-dessus son épaule voûtée. Et étant donné l’état des chevaux, ils mouraient d’épuisement dès la fin de la première journée.
Y avait-il une calèche ? Il ne se rappelait pas en avoir vu une à l’écurie. N’importe quoi ferait l’affaire – un fardier, une charrette à foin ! Il voulait quitter la Maison Halyn immédiatement. Même sans les enfants.
Dès qu’il eut formulé cette pensée, Mikhail prit conscience d’une sorte de murmure dans sa tête. Il en fut frappé de stupeur. Cette femme cherchait-elle à l’influencer ? C’était assez subtil pour que ça ait failli lui échapper, mais il était clair que cette Emelda mijotait quelque chose. Heureusement, se dit-il, que c’était une Aldaran – si elle disait vrai – et non pas une Alton. Car la seule idée qu’elle ait pu avoir le Don des Alton des rapports forcés était terrifiante.
Comment allait-il lui faire quitter la maison ? Mikhail n’avait jamais de sa vie porté la main sur une femme, quelle que fût la tentation, et il n’était pas certain d’en être capable. Ses Gardes la jetteraient dehors s’il l’ordonnait, bien sûr. Mais quelle humiliation de recourir à deux hommes vigoureux pour se débarrasser de cette petite chose squelettique ! Il y avait sûrement une meilleure solution. Il suffisait d’y réfléchir, mais il avait l’esprit fatigué et brumeux. Demain, après une bonne nuit de sommeil, il serait temps d’y penser. Il n’était pas venu pour Emelda, mais pour les enfants.
Quand même, le problème continua à le tracasser. Qu’aurait fait son père ? Question étrange de sa part, étant donné les rapports hostiles qu’il entretenait avec Dom Gabriel. Mais le Vieux prenait les problèmes à bras le corps, et Mikhail – peut-être pour la première fois de sa vie – regretta de ne pas lui ressembler davantage. Il manquait de la sensibilité dont Mikhail était trop bien pourvu, et il écrasait l’opposition sans états d’âme. La seule pensée de Dom Gabriel lui redonna du courage, et il avait besoin de toute l’énergie qu’il pourrait rassembler.
Mais il ne résoudrait pas ses problèmes en restant immobile dans le hall. Un instant, il se demanda ce qu’il y faisait. Qu’est-ce qu’il était venu y chercher ? Ah oui, des serviettes.
Il eut conscience d’avoir juste oublié quelque chose, mais il ne parvint pas à se rappeler ce que c’était, malgré tous ses efforts. Il ne désirait que deux choses : prendre un bain prolongé et se changer. Des vêtements propres, il en avait au moins dans ses bagages. Il se sentirait mieux après son bain. Il attrapa ses affaires et entra dans la salle de bains pleine de vapeur. C’était la pièce la plus propre de la maison, et cela lui remonta le moral.
Il s’allongea dans la baignoire et de détendit. Soudain, il eut envie de se laisser couler de l’eau jusque par-dessus la tête, et de s’éloigner en flottant jusqu’à… Il se redressa comme mû par un ressort, crachant de l’eau et suffoquant. Pourquoi avait-il fait ça ?
La perplexité fit bientôt place à une colère purifiante. Puis le doute dissipa sa lucidité momentanée. Il se sentit soudain impuissant, mal préparé pour s’occuper des enfants. Accepter d’être le Régent des enfants Elhalyn avait été une grave erreur. Il aurait dû insister pour que cette mission soit confiée à l’un de ses frères. Il allait avoir besoin d’aide, de l’aide de quelqu’un de plus expérimenté et mieux entraîné. Il lui faudrait contacter Régis et…
Mikhail grimaça. Il n’était pas là depuis un jour qu’il avait déjà échoué. Il n’était pas à la hauteur. Le doute le rongeait, comme pendant son adolescence, après la naissance de Danilo Hastur et le changement de son statut. Si j’avais été à la hauteur, Régis n’aurait pas en besoin d’avoir un fils.
Il tenta de secouer cette impression d’indignité qui l’accablait, mais le sentiment qu’il n’était pas l’homme qu’il imaginait persista. Il n’était bon qu’à servir d’écuyer à Dyan Ardais, ou à quelque autre seigneur des Domaines. Pourtant, Régis lui avait confié une tâche, et il devait L’accomplir, quoiqu’il ressentît, et il devait l’accomplir seul.
Son premier devoir était envers les enfants. Ce qui signifiait qu’il devait mettre de l’ordre dans la maison et s’occuper de leur santé. Il ne pouvait pas tester les garçons dans leur état actuel de crasse et de malnutrition. Il n’était même pas sûr d’en avoir appris assez à Arilinn pour les tester correctement.
Mikhail se mit à se laver, faisant mentalement la liste des réparations à faire. Arranger les fenêtres, ramoner les cheminées, réparer les toits, et faire faire la lessive. Dès le matin, il enverrait Daryll au village engager des artisans. Il faudrait aussi quelques servantes pour faire le ménage. C’étaient là des tâches qu’il se sentait capable d’exécuter – même en réalisant, avec quelque amusement, qu’il n’avait aucune idée de la façon dont on faisait la lessive à Armida. Et il aurait parié que Marguerida le savait, non parce qu’elle était femme, mais parce qu’elle avait vécu sur d’autres mondes et, observatrice comme elle l’était, avait sûrement assisté à cette activité. Elle s’était sans doute trouvée dans des buanderies pour enregistrer des chants de blanchisseuses, ou dans des forges pour noter ce que chantait le forgeron en tapant sur son enclume.
Absorbé par la pensée de Marguerida, il ne remarqua pas qu’il frottait toujours la même place à s’écorcher. Quand il s’en aperçut, il fronça les sourcils, s’arrêta, se rinça, et sortit de la baignoire plus vite que d’habitude. Il s’enveloppa dans une mince serviette, se promettant de commander du linge neuf au plus tôt. Puis il s’habilla et quitta vivement la salle de bains.
Dans le couloir, il eut l’étrange impression d’être observé. Il se retourna, regardant de droite et de gauche. Il était alangui après son bain, et s’efforça de se secouer. Le couloir semblait vide mais, prêtant l’oreille, il perçut un léger bruissement d’étoffe venant de la chambre des filles, et se dit que Miralys et Valenta l’observaient sans doute. Son soulagement lui fit réaliser qu’il s’attendait à moitié à ce qu’un assassin sortant de l’ombre lui bondisse dessus, un couteau au poing. Il était hanté, c’était certain, et il ferait bien de se ressaisir.
Au bout d’un moment, Miralys sortit de sa chambre, essayant de prendre l’air naturel.
— Tu te sens mieux maintenant ? dit-elle doucement.
— Oui, beaucoup mieux.
Elle était très belle, malgré ses vêtements souillés et ses cheveux crasseux : Elle avait la peau presque translucide, et un teint d’albâtre que les femmes s’efforcent d’acquérir par les bains et les onguents, avec des yeux gris pâle qui étaient presque de la couleur de l’argent. Il soupçonna qu’une fois lavés, ses cheveux devaient être roux, mais ils étaient d’un brun sale pour le moment. Elle avait une bouche en bouton de rose, un petit nez mutin, et ressemblait à quelque princesse sortie d’un des contes de fées de Liriel.
— Je suis contente pour toi. Tu avais l’air si bizarre en train de trier le linge.
— C’est la première fois que je fais un lit. Pourquoi n’y a-t-il pas de serviteurs ici, à part les vieilles nourrices et le vieux Duncan ?
— Elle ne le permet pas, et la plupart des villageois ont peur de venir ici.
— Pourquoi ?
— Je n’ai pas le droit de le dire.
Elle avait les yeux dilatés, comme si elle désirait parler mais qu’elle en fût empêchée. Au secours !
Le cri silencieux fut déchirant, mais avant que Mikhail ait pu y réagir, Miralys rentra en courant dans sa chambre et claqua la porte derrière elle. Il l’entendit sangloter, puis il entendit la voix d’une nourrice cherchant à la faire taire. Mikhail tendit la main vers le bouton de la porte, puis la laissa retomber. Il n’avait rien à faire dans la chambre d’une jeune fille.
Il retourna plutôt dans sa chambre, prit un peigne et se mit en devoir de démêler ses cheveux mouillés. Le miroir était noir de poussière, et il chercha du regard quelque chose pour l’essuyer. Il trouva un chiffon, nettoya la glace, et ensuite le passa sur la commode, avec la nostalgie de la bonne odeur de cire qui aurait dû régner dans la chambre. Puis il se regarda, rasé de près, ses cheveux blond foncé bouclant sur son front. S’ils parvenaient jamais à surmonter l’opposition de ses parents, lui et Marguerida auraient une nichée de marmots bouclés, c’était certain. Pensée nouvelle et bizarre qui le fit rire. Cela lui sembla bon, et Marguerida lui manqua encore plus, car il riait si souvent avec elle que c’était devenu une sorte de second langage entre eux.
Comment les appellerons-nous ? se demanda-t-il, sortant de sa chambre et descendant l’escalier. Il y avait déjà beaucoup de Gabriel et de Rafaël dans la famille, mais il n’avait rien contre un fils nommé Lewis, même si Ariel avait déjà donné ce nom à l’un des siens. Et Yllana, peut-être, comme la grand-mère Aldaran de Marguerida. Cela offenserait Javanne, sa mère, bien sûr.
Mikhail entra dans le salon avant d’avoir terminé sa liste de prénoms, sachant qu’il en parlerait à Marguerida à la première occasion et que ça l’amuserait. Il trouva Priscilla assise devant le métier à broder, une aiguille posée sur son ouvrage, et regardant fixement le feu. Elle sursauta à son entrée, planta son aiguille dans le tissu, et croisa gravement les mains sur ses genoux.
— Bonsoir, Domna.
— C’est le soir ?
Elle regarda autour d’elle, car la pièce était maintenant assez sombre. Le feu était allumé, mais pas les chandelles des appliques.
— Je n’avais pas remarqué. Pas étonnant que j’aie eu du mal à voir mes points.
Mikhail prit une longue baguette sur la cheminée, la plongea dans le feu, puis se mit à allumer les chandelles.
— Comme ça, tu devrais voir mieux.
— Je suppose, mais c’est un tel gaspillage.
— Gaspillage ?
— Les chandelles coûtent très cher.
— Domna, tu es une grande dame, maîtresse d’un grand Domaine. Tu n’as absolument aucune raison de vivre dans le noir. À moins que quelqu’un ne t’y oblige.
Mikhail se dit que toutes ces fenêtres condamnées par des planches rendaient la maison presque aussi sombre à midi qu’à minuit. Il se demanda si le délabrement de la maison n’était pas voulu, pour faire vivre dans l’ombre Priscilla et ses enfants. La pensée fugitive s’évanouit avant qu’il ait pu y réfléchir.
— Peut-être, mais c’est sans importance. Bientôt, je n’aurai plus besoin de chandelles.
Elle semblait rêveuse, somnolente, et plus passive que dans son souvenir.
— Dis-moi, depuis quand vis-tu avec Emelda ? Elle m’intéresse, Domna.
— Vraiment ? J’en suis contente, parce que c’est une femme merveilleuse. Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans elle. Voyons… c’est si difficile de me rappeler. Elle est venue au Solstice d’Été d’avant le dernier, je crois. Oui, c’est ça. Et alors Ysaba… s’en est allée. Emelda est restée plusieurs mois, puis elle est partie, et est revenue après le dernier Solstice d’Été.
— Je vois.
Ce devait être pendant l’absence de cette étrange femme que Priscilla avait accepté de faire tester les garçons pour le laran. Elle lui semblait très influençable, pas précisément faible, mais facilement dominée par de fortes personnalités. D’abord Ysaba, et maintenant Emelda.
Quelque chose sur le médium, une hésitation dans la voix de Priscilla, éveilla sa curiosité. Ysaba ne lui avait pas plu, avec ses airs de revenante, mais il sentit qu’elle n’était pas partie volontairement, et il se demanda s’il pourrait la retrouver. Il y avait certaines questions qu’il aurait bien voulu lui poser.
Emelda entra alors dans le salon, traînant après elle ses voiles rouges et une odeur d’encens. Elle ignora Mikhail et marcha droit sur Priscilla. Se penchant sur le métier, elle eut vite fait de relever les défauts de la broderie.
— Ce n’est pas possible ! Il faut défaire toute cette fleur car elle est mal faite.
— Oui, répondit Priscilla avec calme, les yeux dans le vague. Dom Mikhail m’a surprise en train de travailler dans le noir – c’est vraiment bête.
Bien que murmurées, Mikhail entendit très bien ces paroles.
— Je vais faire venir des miroitiers pour remplacer les vitres des fenêtres, annonça-t-il, et alors, tu pourras voir sans user des chandelles.
La scène devenait plus surréaliste d’instant en instant.
Tu ne feras rien de tel ! La soudaine intrusion d’Emelda dans son esprit le fit sursauter.
Dehors ! Sors de mon esprit ! C’est moi le maître ici ! La vigueur de sa réaction lui fit plaisir, et atténua la tension qui le crispait jusque-là.
Tu vas tout gâcher !
Mestra Maléfique, rien ne me plairait davantage !
À ce moment, Mathias et Daryll entrèrent, et Emelda les regarda avec colère. Mikhail remarqua immédiatement que ses idées étaient plus claires, comme si le nuage mental que cette femme projetait sur lui dépendait du nombre de personnes présentes. Par tous les enfers de Zandru, qui était-elle ? Pas une leronis, assurément, malgré sa robe. Et comment allait-il lui faire quitter la maison ?
— Je ne peux pas garder ces hommes dans ma maison, dit Priscilla, se raidissant. Mes filles sont…
— Bien plus en sécurité avec eux que sans eux, l’interrompit Mikhail. Et non seulement mes hommes resteront, Domna, mais j’ai l’intention d’engager aussi des serviteurs, mâles et femelles, dès que possible. Cette maison a grand besoin qu’on s’en occupe, de même que tes enfants. Tu ne te soucies peut-être pas d’eux, mais moi, si.
Les yeux quelque peu proéminents de Priscilla Elhalyn, en proie à un conflit intérieur, lui sortirent de la tête.
— Prends Vincent, et va-t’en. C’est lui que tu veux – je l’ai compris. Les autres doivent m’accompagner quand je partirai.
— Ce n’est pas à toi d’en décider, Domna.
Partir ? Qu’est-ce que ça signifiait ? La tentation de faire ce qu’elle lui proposait était grande ; il pensait déjà en venant que Vincent serait le candidat le plus plausible pour le débarrasser de la Régence d’Elhalyn. Mais il ne parvenait pas à oublier le silencieux appel au secours de Miralys. Pas question d’abandonner ces enfants pour se faciliter la vie.
De plus, Mikhail avait conscience qu’on le manipulait subtilement pour le pousser à partir, et plus il le sentait, plus il était décidé à rester jusqu’à ce qu’il ait rempli sa mission. Je ne vais pas me laisser bousculer par cette sorcière de bas étage !
À sa surprise, Emelda eut un mouvement de recul et se recroquevilla sur elle-même à cette pensée. Puis elle tira Priscilla par la manche, lui murmura quelque chose, et les deux femmes quittèrent le salon juste comme les quatre enfants valides y entraient.
Alain n’était pas là, ce qui n’étonna pas Mikhail. Étant donné son état, il doutait que l’aîné des fils puisse descendre l’escalier sans aide. Trop fatigué et préoccupé, il n’avait fait qu’un rapide examen des enfants – notant leur maigreur et leurs vêtements lamentables – et la liste mentale des réparations urgentes à effectuer. Il regretta de s’être baigné et changé, au lieu de commencer tout de suite à redresser la situation. Puis il se reprocha de se prendre pour un magicien qui, d’un simple coup de baguette, pourrait remédier à des années de négligence. Il n’était qu’un homme et, pour les questions domestiques, un homme très ignorant en plus. Mais il était résolu à faire de son mieux, même s’il fallait pour cela bouleverser Priscilla et son étrange compagne.
La vue des enfants suscita l’approbation de Mikhail. Ils avaient tous fait un effort pour être plus présentables. Les cheveux avaient été brossés et peignés, les visages et les mains lavés. Pour l’heure, ils ressemblaient encore davantage à des mendiants qu’aux héritiers d’un Domaine, mais leur bonne volonté lui fit plaisir. « Une maison est le reflet de son maître », disait-on dans les montagnes, et il sentit qu’il y avait plus de vérité dans ce dicton qu’il ne l’avait cru jusque-là.
Emun examina les deux Gardes, qui avaient remplacé leur tenue de voyage par leur uniforme, les yeux dilatés d’admiration. Mikhail réalisa qu’en d’autres circonstances, ces deux garçons, de même qu’Alain, auraient déjà été dans les Cadets. C’était sans doute ce qui pourrait leur arriver de mieux, pour les éloigner de cette sinistre maison, de ses médiums et de ses fantômes. Mais Priscilla avait accepté qu’on les teste à la seule condition qu’on ne les sépare pas d’elle, quoi qu’il arrive.
Mikhail se dit qu’il pourrait peut-être faire annuler cette disposition, mais il faudrait aller devant les Cortes, actuellement emberlificotés dans les revendications de Dom Gabriel sur le Domaine d’Alton, et la possibilité du retour des Aldaran au Conseil Comyn. Au dire de tous, les juges des Cortes s’arrachaient collectivement les cheveux à régler des problèmes qui n’avaient pas ou peu de précédents. Cela l’aurait également obligé à retourner à Thendara sans les enfants, et il craignait qu’ils ne soient en danger. Il n’avait jamais autant souhaité qu’en ce moment pouvoir être en deux endroits à la fois – en trois endroits même, s’il comptait son désir d’être à Arilinn avec Marguerida.
Quel dilemme ! Il devait s’assurer que les enfants allaient bien, ne fût-ce que pour mettre un des garçons sur le trône. Pour ce faire, il devait rester dans cette maison de fous… Sinon, il finirait lui-même en roi-marionnette, dont son cousin Danilo Hastur tirerait les ficelles. Il aimait bien Danilo, mais il n’avait aucun désir de se trouver dans cette situation. Ce serait dur pour lui, et sans doute encore plus dur pour Danilo.
Le doute le rongeait, lui coupait l’appétit. Il sentait sur lui les yeux des enfants qui l’observaient, avec angoisse et espoir. Seul Vincent affichait une assurance imperturbable, ce qui réveilla le malaise de Mikhail. Peut-être plastronnait-il seulement pour dissimuler ses propres incertitudes, mais il y avait quand même quelque chose de bizarre chez lui, quelque chose qu’il ne parvenait pas à définir.
Régis n’aurait pas dû l’envoyer ici tout seul. Il aurait dû arriver avec des répétiteurs, un maître d’armes, et quelques femmes de chambre pour les filles. Pourquoi ne l’avait-il pas fait ? Son oncle était astucieux, et il agissait rarement au hasard. Et si Régis cherchait seulement à se débarrasser de lui ?
Toutes les émotions, ressenties à quatorze ans à son changement de statut, lui revinrent. Émotions importunes et douloureuses qu’il s’efforça de dissiper, mais qui continuèrent à le miner pendant tout le misérable repas de poule bouillie et de céréales pâteuses qui suivirent. Tout le monde gardait le silence, à part Vincent qui posa quelques questions. Les filles mangèrent comme des affamées, et Emun engouffra sa portion de poule, et à peine avalée, regarda s’il en restait encore dans le plat. Une vieille nourrice parut au milieu du dîner, se rendit à la cuisine, et en ressortit avec un plateau, sans doute destiné à Alain.
Quand Mikhail parvint à s’arracher à ses soucis, il sombra dans la fureur. On lui avait toujours appris que les enfants étaient précieux, et la façon dont ceux-là étaient traités l’indignait au-delà de toute expression. Il essaya d’engager la conversation avec eux, mais les filles restèrent muettes, et Emun répondit par monosyllabes. Vincent se répandait en paroles sur tous les sujets, comme si le son de sa voix le rassurait, mais il n’avait pas grand-chose d’intéressant à dire.
Dès ce maigre repas terminé, Mikhail fut heureux de quitter la table. Il souhaita bonne nuit aux enfants, et les regarda quitter la salle à manger en silence, puis il se tourna vers ses hommes.
— Daryll, tu pourras coucher près du feu dans le salon, et Mathias prendra le premier tour de garde.
Inutile de leur dire qu’ils n’avaient pas à coucher par terre devant sa porte : ils ne l’auraient pas écouté. Il était confié à leur garde, et ils étaient bien résolus à veiller sur lui, surtout ici.
— Très bien, Dom. Et j’irai au village dès l’aube, pour voir si je peux trouver des ouvriers.
— Vois aussi si tu peux engager une blanchisseuse et quelques servantes. Je connais des porcheries plus propres que cette maison.
— Je ferai de mon mieux. Elle est étrange, cette maison, non ?
— Passablement.
Il comprenait parfaitement la pensée de Daryll, mais il ne voulait pas l’encourager à critiquer ouvertement Dame Elhalyn.
Mikhail les quitta, monta au premier, et prêta l’oreille un instant. Le couloir était silencieux, trop silencieux. D’un silence qui n’était pas naturel, et qui était, de plus, angoissant. Enfin, il verrait demain.
Il entra dans sa chambre et sentit immédiatement quelque chose de maléfique, sans parvenir à le définir. Puis il perçut une légère odeur d’encens. Il fut alors certain qu’Emelda était venue dans sa chambre, mais sans imaginer pourquoi.
Mikhail était à la fois épuisé et furieux. Il se mit à fouiller la pièce, soupçonnant une manœuvre malveillante, et commença par ses vêtements. Des grains de poussière en tombèrent, mais il ne savait pas s’ils étaient là à son arrivée ou s’ils provenaient de la maison. Il lui sembla pourtant que ses habits n’auraient pas dû se couvrir de poussière aussi vite. Il les secoua vigoureusement, ce qui lui permit de dissiper un peu sa rage.
Puis il défit le lit, car l’odeur d’encens était plus perceptible dans son voisinage. Mikhail ôta les couvertures, puis les draps. À la lueur tremblotante du feu, des poussières dansèrent dans l’air. La cheminée ne tirait pas très bien, sans doute obstruée par de la suie. Il aurait dû dire à Daryll de ramener aussi un ramoneur, s’il en existait un au village. Il fallait qu’il trouve un papier pour noter tout ce qu’il y avait à faire, s’il ne voulait pas envoyer tous les jours Daryll et Mathias au village.
Mikhail sortit les oreillers de leurs taies, fronçant le nez à leur odeur de moisi. Il avait passé vingt minutes à faire ce lit et, à son grand déplaisir, il le défaisait en cinq.
Quelque chose en tomba sur le matelas. Un petit sachet, du genre de ceux dans lesquels les campagnards cousent des simples et des cataplasmes. À Armida, les femmes de chambre mettaient souvent des sachets de lavande dans les oreillers pour favoriser le sommeil. Mais à l’odeur, celui-ci ne contenait certainement ni lavande ni balsamine. Mikhail n’avait aucune idée de son contenu. C’était Liriel qui s’y connaissait en simples et en plantes. Dommage qu’elle ne soit pas là.
Mais ce sachet d’apparence inoffensive lui donna la chair de poule. Il le prit, le balança un moment par son cordon, résistant à la tentation de le porter à son nez. Sans raison précise, il savait que cela lui serait fatal. Puis il amorça le geste de le lancer dans le feu. Il se ressaisit à l’instant où le cordon allait quitter ses doigts. S’il contenait une substance vénéneuse, la fumée la répandrait dans l’air. Pourquoi pensait-il que c’était du poison ? Pourquoi supposait-il que le sachet avait été placé là dans une intention hostile ?
Mikhail se tortura le cerveau avec lassitude. C’était la première fois qu’il se trouvait devant ce genre de problème – comment se débarrasser d’un objet qui pouvait être dangereux ? Si la fenêtre n’avait pas été condamnée, il l’aurait jeté dehors et s’en serait occupé au matin. Il ne possédait pas le genre de laran permettant de connaître la nature d’une chose par son simple contact, et il n’avait jamais désiré ce talent jusqu’à ce moment.
Qu’est-ce qu’on pouvait faire dans un cas pareil ? Si la crémation était exclue, alors, quoi ? Il pouvait le noyer ou l’enterrer, décida-t-il lentement, avec l’impression d’avoir la tête pleine de colle. Il n’était pas superstitieux, mais il répugnait à laisser traîner ce sachet. S’il était inoffensif, ce dont il doutait, peu importait ce qu’il en faisait, mais s’il était dangereux, il devait procéder avec précaution.
Finalement, il sortit de sa chambre en tenant le sachet à bout de bras, et le jeta dans les toilettes. Puis il versa dessus le seau d’eau placé près du siège. Enfin, il alla remplir le seau à l’intention de la personne suivante.
Une fois débarrassé du sachet, Mikhail se sentit moins fatigué et moins bête. Il n’était pas certain qu’il ne s’agissait pas d’une illusion, mais il décida qu’il valait mieux être trop prudent que pas assez. Il retourna dans sa chambre, et rencontra Mathias qui montait, une chaise de la salle à manger dans une main, une couverture dans l’autre. Ils se regardèrent. Mikhail sentit que Mathias, d’ordinaire le plus placide des hommes, était troublé. Mikhail lui aurait bien demandé ce qu’il avait, mais au vu du visage fermé de son Garde, il décida de n’en rien faire. Mathias se confierait à lui quand il en aurait envie. Il respectait trop ses hommes pour l’importuner maintenant.
Rentrant dans sa chambre, il n’y sentit rien que d’ordinaire, et en conclut qu’il avait agi comme il fallait. C’était une petite réussite, mais qui, dans son état de fatigue, le rassura grandement. Il refit son lit et ôta ses bottes. Pendant quelques minutes, il resta assis près du feu, remuant les orteils avec délices.
Il avait envie de se coucher. Mais il ne pourrait pas dormir tant qu’il n’aurait pas contacté Marguerida, senti son esprit dans le sien, entendu son rire mental. Le sommeil pouvait attendre quelques minutes de plus. Mikhail prit sa matrice dans sa tunique, la sortit doucement de son sachet de soie, et fixa les yeux sur elle. Le feu se reflétait dans les facettes de la pierre tandis qu’il respirait profondément et lentement pour se mettre en état de transe. Ce faisant, sa lassitude sembla se dissiper et, bien que sans avoir envie de danser la gigue, il eut la force de rester assis.
Mikhail se concentra, et la chambre disparut. Marguerida ?
Il chercha sa présence, son énergie unique, et la sentit réagir. La réponse semblait venir de très loin, beaucoup plus faible que d’habitude. Mikhail ? C’est toi ?
Oui, ma bien-aimée.
Tu vas bien ? Tu sembles un peu… vaseux.
Mikhail hésita. D’une part, il avait envie de lui parler des étrangetés de la Maison Halyn, mais d’autre part, son esprit résistait. Il aurait l’air d’un imbécile à geindre sur des vitres cassées et des cheminées bouchées. Et, pour ce qu’il en savait, le petit sachet qu’il venait de jeter dans les toilettes était inoffensif.
Je suis très fatigué. La maison est dans un état lamentable, et dès mon arrivée, j’ai passé plusieurs heures à nettoyer l’écurie.
Tu as nettoyé l’écurie ? Je ne comprends pas, Mik.
Domna Priscilla a très peu de personnel.
Ah bon. Enfin, je suis contente que tu sois arrivé sans encombre. Je m’inquiétais, imaginant des chutes dans des précipices et autres sottises.
Elle semblait déprimée, sans rien de son énergie habituelle. Peut-être qu’elle se fatiguait de lui. Ou qu’elle avait décidé de ne pas attendre que leur situation impossible se dénoue et envisageait un autre avenir. Je suis désolé que tu aies passé une mauvaise journée.
Oh, Mik, je suis vraiment idiote. Elle fit une pause qu’elle-même trouva très longue. Je ne sais pas comment te dire ça, sauf en le disant. Domenic est mort cet après-midi.
Je vois. Et tu te sens coupable de sa mort, sans doute. Le chagrin lui serra le cœur, mais à peine. Plus tard, quand il serait moins fatigué, il savait qu’il souffrirait davantage. Mais pour le moment, tout à la joie de ce contact avec Marguerida, il tint sa douleur à distance.
Un peu seulement Quand je ne pleure pas toutes les larmes de mon corps, ou que je ne parle pas avec mon père de mon aversion pour la vie à Arilinn, maintenant que tu n’es plus là.
Vraiment ? Mikhail en fut ragaillardi.
Évidemment. Tu sais que je n’ai jamais désiré venir dans une Tour, pour commencer, et que j’ai accepté uniquement parce que je n’avais pas d’autre choix. Et je ne voulais pas venir à Arilinn non plus – la seule chose qui m’y rendait le séjour acceptable, c’est que tu y étais. Et Dio aussi, bien sûr. Depuis ton départ, je suis de plus en plus mal à l’aise – à cause des autres – et si ce n’était pas pour Liriel… Enfin, passons.
Ils ont recommencé à te tourmenter ? Qu’ils aillent au diable !
Certains. Mais j’ai tout raconté au Vieux, et il va essayer de persuader oncle Jeff de me laisser aller à Neskaya étudier avec Istvana. Le voyage serait moins difficile maintenant que plus tard dans la saison, et franchement, si je ne quitte pas Arilinn bientôt, je crois que je vais sombrer dans la folie douce. Ou même la folie furieuse !
Ce serait tragique.
Le voyage ne serait pas long – jusqu’à la folie, je veux dire. Celui jusqu’à Neskaya le serait, mais je pourrais peut-être engager Rafaella pour m’accompagner. J’aimerais beaucoup la revoir. Elle me manque. Tu es sûr que tu n’as rien ? Ton esprit me paraît brumeux.
Je suis fatigué, c’est tout, ma chérie. Et tu me manques.
Alors, va te coucher. Je suis contente d’entendre ta voix, même affaiblie par la distance, mais si tu dois t’occuper de ces petits enfants, tu auras besoin de toutes tes forces.
C’est bien vrai. Mais ils ne sont pas si petits que ça, Marguerida. La plus jeune, Valenta, a douze ans, je crois. C’est une jolie fillette, mais c’est sa sœur Miralys qui sera une beauté.
Tu veux que je sois jalouse ?
Non. Tu es jalouse, toi ?
Un peu. Mais pas d’une enfant ! Cela dit, je n’ai jamais été jalouse avant de te connaître, alors je ne sais pas ce que c’est. Je sais que tu as résisté aux charmes de toute une génération de jolies filles énamourées, Mik, mais je m’inquiète quand même. Je veux dire, ça résoudrait tant de problèmes si tu épousais une des filles Elhalyn, bien que tu sois presque assez vieux pour être…
Exactement. Je suis juste assez vieux pour être leur père, ce qui rendrait cette alliance scandaleuse. Mais franchement, l’idée de coucher avec Priscilla Elhalyn me répugne.
Parfait !
Méchante !
Quel âge a-t-elle ?
Priscilla ? Dans les trente-huit ans, mais elle en paraît plus.
J’en suis ravie ! C’est une vieille peau !
Pas tout à fait, mais ça ne saurait tarder. Marguerida, tu es pour moi la seule femme au monde.
Oh, Mik, je t’aime tant ! Et tu me manques. Si la mort du petit Domenic ne me rendait pas si triste, je danserais de joie dans ma chambre.
Je vais te dire une chose qui m’est venue à l’idée aujourd’hui : les noms de nos enfants. Je n’avais jamais pensé à ça de ma vie.
Moi non plus. Alors, quels noms as-tu choisis ?
J’ai décidé qu’il y avait assez de Gabriel et de Rafaël dans la famille, mais que Lewis serait assez bien pour un garçon, et peut-être Yllana pour une fille.
Je n’aurais jamais pensé à Yllana, mais c’était le nom de ma grand-mère. Tante Javanne ne serait-elle pas furieuse de ce choix ?
C’est exactement ce que je pense !
Quand même, je préférerais nommer ma première fille Diotima.
Pourquoi n’y ai-je pas pensé ? La raison en était, il le savait, qu’il ne supportait pas l’idée que la mère de Marguerida puisse être morte d’ici là.
Peu importe ; c’était gentil d’y penser. Mik, est-ce que ça t’ennuierait beaucoup que nous appelions notre premier fils Domenic ? Une violente émotion s’empara alors de Mikhail, mélange de chagrin et de justice. Et il eut l’impression que, peut-être, leur Domenic s’il venait jamais au monde, vivrait assez longtemps pour accomplir sa destinée, au lieu de mourir dans son enfance, ou d’être assassiné comme l’avait été Domenic Lanart-Alton, d’après lequel les Alar avaient nommé leur aîné. Le troisième porteur du nom était béni, disait-on. Et il se reprocha d’être bête et superstitieux ; mais c’était dû à l’épuisement.
Non, Marguerida. Je trouve ton idée merveilleuse.
J’en suis contente. J’avais peur qu’elle te déplaise.
C’est parfait, en fait. Tu sembles avoir le don de faire le bon choix, ma chérie.
Tu dis ça parce que je t’ai choisi ? Il eut l’impression d’entendre son rire cristallin. Tu dors debout ! Va te coucher ! Bonne nuit, mon Mikhail, mon bien-aimé ! Fais de beaux rêves !
Bonne nuit, Marguerida. La paix soit avec toi.